Assister aux multiples fêtes qui se déroulent pendant la Semaine Sainte en Sicile, ce n’est pas chose facile ni simple, mais sans aucun doute passionnante. Dans chaque quartier, ville, village se déroulent des cérémonies solennelles, scandées par les lents pas des processions, les silences et les notes funèbres ou festives de la fanfare ; chaque lieu présente ses particularités, toutes très intéressantes. La participation religieuse de la population s’exprime à travers un rituel ancien, héritage de la colonisation espagnole et de l’expansion du pouvoir des jésuites, qui dans le 17éme siècle instituèrent les confréries pour exercer mieux le contrôle sur les âmes. Les routes, les places, les églises deviennent des grandes scènes publiques, où chacun exhibe son rôle et son importance, sa richesse et son habileté à tisser les relations sociales, à créer des nouvelles alliances stratégiques et à consolider les anciennes. La communauté célèbre sa Passion-Mort- Résurrection ; elle revit dans la catharsis des personnages et dans l’histoire de l’Évangile les malheurs, perditions, espoirs, illusions et joies de sa terre. Rite et théâtre se fondent, et reviennent à leur fonction originaire, celle d’exprimer et former la société, à nous rappeler que la Grande-Grèce était ici, et que l’esprit de la Tragédie est encore présent, et fertilise l’empreinte culturelle laissée par les Arabes, les Normands, les Espagnols, en accouchant une extraordinaire variété de signes, que les Siciliens savent interpréter comme acteurs experts, en représentant le mystère de leur même existence. Il faudrait avoir le don de l’ubiquité pour réussir à assister à toutes les cérémonies et les représentations qui se déroulent partout dans l’île, toutes dans les mêmes jours de la Semaine. Ces photographies sont le résultat d’une recherche sur presque 10 ans.